Le Restaurant Pierre Gagnaire

LA CUISINE DE PIERRE GAGNAIRE SE LIT COMME UNE HYPOTHÈSE.

L’énoncé précis de chacun de ses plats interroge et plonge dans le mystère d’une science qui a priori nous échappe. Pour le percer, il faut dépasser le verbe autant que la vision. Car si l’œil, après l’oreille, est immédiatement séduit, c’est bien au palais que revient la tâche de comprendre. D’élucider bouchée après bouchée, la cohérence d’un chemin dont aucune étape pourtant ne nous a été cachée. Les mots muent alors leur poésie en saveurs. Le graphisme et les couleurs de l’assiette se perdent dans une émotion vive et évolutive.
La cuisine de Pierre Gagnaire se vit comme une expérience.
Cuisinier de l’immédiat, le Chef transforme ses instincts en instants de grâce. Alchimiste aux fourneaux, il transcende la matière brute pour en révéler la substance. Guidé par un principe d’émotions, Pierre Gagnaire a fait de la cuisine un moyen d’expression, un langage, qu’il aime franc et direct, avec à la place des mots, des mets qui vont droit au cœur.

Pas de tricherie, ni d’afféterie, mais un engagement quotidien au piano, pour jouer avec ses équipes la partition d’un savoir-faire virtuose.
La cuisine de Pierre Gagnaire, c’est de l’art, de l’amour et de la technique.
Fugace comme les saisons, sa carte en dessine un panorama aventureux, bien que solidement ancré dans la vérité du terroir et la rigueur des techniques traditionnelles.

Elle affiche une dualité assumée entre la terre et la mer. Exprime des contrastes de saveurs, de textures et de températures, dont la complexité apparente se transforme en figure d’évidence. Une figure libre, portée par un esprit curieux. L’écho d’une vie de métier, maîtrisé avec talent, pratiqué avec passion.

L’ÉPREUVE DE L’HOMME
NE CONSISTE PAS DANS LA FAÇON DONT IL RÉALISE CE QU’IL A DÉCIDÉ DE FAIRE, MAIS DANS LA FAÇON DONT IL RÉALISE LE RÔLE QUE LE DESTIN LUI A ASSIGNÉ...

JAN PATOCKA

POUR MOI, LA CUISINE EST VIVANTE, ET MON RÔLE EST DE DONNER UN SUPPLÉMENT D’ÂME À UN PRODUIT, QU’IL SOIT NOUVEAU OU PAS, QUE JE LE CONNAISSE PARFAITEMENT OU
LE DÉCOUVRE. JE LE TRANSFORME, LE SUBLIME, TOUT EN LE RESPECTANT. CE SONT DES NUANCES QUI NE SE VERBALISENT PAS MAIS SE DÉGUSTENT. PIERRE GAGNAIRE

LE PRODUIT

Cette tension et cette prise de risque n’ont de sens que dans l’impulsion qu’elles donnent à la manière de travailler les produits mis à sa disposition.
Saisie dans sa pleine fraîcheur et dans sa plus belle qualité, cette matière première constitue tout à la fois une lettre de son alphabet et une note de sa gamme.

Une gamme que l’ouverture sur le grand jardin du monde ne cesse d’élargir. «Ici, j’ai à ma disposition une palette gustative infinie
et de qualité exceptionnelle, cela donne certainement à ma cuisine plus de délié, de douceur.»

Pour lui «La trouvaille réside dans la juste combinaison. J’ai, dit-il, un petit talent.

Une capacité à empiler par strates les éléments qui constituent un plat au lieu de les juxtaposer comme le font la plupart des cuisiniers.

Même si les produits sont très identifiables un par un, ma construction en fait un ensemble singulier qui crée des goûts totalement inattendus.»

Dans cette architecture, point de hiérarchie, pour Pierre Gagnaire le légume n’est plus simplement une garniture, mais devient une partie intégrante de la recette
et de sa cuisine, jusqu’à dire que les légumes ont autant d’importance dans le plat que la viande ou le poisson. Autant de pivots éclairés par les petites lumières d’herbes et d’aromates dont la variété à sa disposition ne cesse de croître et d’enrichir la gustothèque de sa mémoire.

Une mémoire qui s’enrichit et nourrit sa créativité en alerte; trop vive, pour se laisser figer dans une carte composée de plats-signatures. D’ailleurs, ils n’existent pas chez Pierre Gagnaire, qui concède dans cette absence tracer son propre autographe.